mardi 6 novembre 2012

Miracle ?


E
n juin 1997, nous déménagions à Québec.

Les plans de l’appartement prévoyaient un vitrail au plafond de la cuisine. Nos recherches d’un artiste pour le faire nous ont conduits au café d’Orsay où nous avons pu admirer des œuvres de Daniel Dalpé. Ses vitraux originaux resplendissant de couleurs nous ont séduits. C’est à ce maitre-verrier que nous allions demander de créer le vitrail.

Dès la première rencontre la chimie s’opère entre nous. Nous l’invitons à venir à la maison pour voir et mesurer l’emplacement réservé pour l’œuvre.

En franchissant la porte de notre appartement il remarque le grand tableau dans l’entrée (Concerto) et me demande qui en est l’auteur. C’est là qu’il apprend que je suis peintre et sculpteur. Il jette aussi un regard furtif sur d’autres de mes tableaux accrochés aux murs. L’emplacement prévu pour le vitrail l’inspire. Il y voit déjà un ciel à travers des éléments végétaux. Son enthousiasme de créateur est prometteur. À notre grand contentement, il accepte de réaliser le vitrail.

Son langage n’a rien d’usuel. Ainsi au moment de signer le contrat, il demande de lui verser des « arrhes », un mot qui ne faisait pas encore partie de mon vocabulaire, mais que Claude, habitué au langage légal, comprend. Nous lui versons l’acompte qu’il demande. La rencontre se termine par la fixation de la date de livraison. « Ce sera autour de la fête de l’Assomption de la vierge. »

Le 15 août passe sans nouvelles de monsieur Dalpé. Je risque un appel téléphonique. Il a eu des ennuis de santé qui l’ont forcé au repos, mais il espère se remettre bientôt au travail et terminer notre vitrail « avant la fête de l’Immaculée conception ». Ces références mariales m’étonnent.

Le 8 décembre passe. Toujours pas de nouvelle de notre artiste-verrier. L’inquiétude s’installe. Encore un coup de fil à monsieur Dalpé. Cette fois il promet que notre vitrail sera installé « avant la Nativité ».

Promesse tenue. Une semaine avant Noël, il arrive accompagné de son frère et d’un ami, lesquels manipulent précautionneusement l’œuvre sous ses directives. Le maître a le dos courbé et marche péniblement à l’aide d’une canne vers l’endroit où est destiné le vitrail.

Je retiens mon souffle, car je sais que la manutention d’un vitrail est fragile, d’autant plus que les dimensions de celui-ci sont imposantes. Notre verrier me rassure en me montrant en son centre arrière la « barlotière » qui le solidifie.

Juchés sur l’ilot central de la cuisine, les hommes déposent tout doucement le vitrail tant désiré à l’intérieur du cadre prévu sous les néons dissimulés dans le plafond.

Moment crucial, le dévoilement de l’œuvre : deux hirondelles volent sous un ciel bleu opale que laissent filtrer les branches d’un cerisier aux fruits vermeils. Nous nous extasions. Magnifique!

« Il faut célébrer l’événement », dit Claude qui s’empresse d’ouvrir une bouteille de vin. Nous levons nos verres à la santé de Daniel Dalpé, le maître-verrier qui a su créer une œuvre répondant à notre attente.

Rassuré et heureux de notre réaction, il nous confie qu’il avait vécu un stress inhabituel durant la réalisation du vitrail. « Je me demandais si mon travail serait apprécié par ma cliente artiste. » Notre réponse lui fut si bienfaisante que du coup son dos s’est redressé. S’il s’agit d’un miracle faut-il l’attribuer à sa Vierge de prédilection?

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