dimanche 19 février 2012

Chrysalide

Du plus loin que je me souvienne, je ne me voyais pas vivre toute ma vie sur une ferme. Des huit filles de ma famille, seule Cécile y songeait et en parlait souvent. Herboriste, amante de la nature, la terre pour elle était sa vocation.

Moi, je ne me suis jamais sentie attirée par ce genre de vie. Durant l’été j’apportais bien ma contribution à certains travaux par devoir filial. Je me sentais bien dans le cocon familial, mais j’étais sûre qu’un jour la chrysalide que j’étais s’envolerait vers un ailleurs.

En cherchant aujourd’hui d’où me venait cette certitude j’y vois plusieurs facteurs.

Déjà enfant, contempler les images d’œuvres d’art rapportées d’Europe par mon grand-père me fascinait et me faisait rêver.

Ma mère, pédagogue, avait consciemment ou pas détecté chez moi des aptitudes créatrices par ses phrases valorisantes lorsqu’elle me confiait certaines tâches : « Il n’y que toi pour faire un si bel arrangement floral ». Ou encore : « Si je te confie la décoration de ce gâteau c’est que je suis sûre qu’il sera superbe ».

Autre facteur déterminant, ce fut ma découverte du monde de la création à l’été de mes seize ans avec le pageant du tricentenaire de la découverte du Lac Saint-Jean. Tous les arts de la scène y étaient réunis. C’est par la danse que j’y participais. Le chorégraphe, Maurice Lacasse Morénoff avait détecté chez moi un certain talent et m’avait même invitée à venir à Montréal suivre des cours de ballet à son école. Proposition péremptoirement rejetée par mon père qui n’y voyait que le spectre de la damnation.

Pour mon salut, ce fut ce même été que je connus Claude, mon futur compagnon de vie. Nous nous aimions et partagions ensemble la passion pour tous les arts : littérature, danse, théâtre, cinéma, musique, peinture, sculpture. Progressivement sa confiance en moi a poussé la chrysalide que j’étais à prendre son envol vers le monde de la création qu’inconsciemment je désirais depuis toujours.

dimanche 5 février 2012

Similitude

Qui aurait dit que le torride Sahara me ferait penser au lac Saint-Jean en hiver ?

Lors d’un voyage en Tunisie je découvre le désert du Sahara. Des bédouins offrent aux touristes une ballade à dos de dromadaire. Exotisme pour la Saguenéenne que je suis. Je succombe et accepte l’expérience.

Pour me protéger du soleil, le chamelier me coiffe d’un long foulard bleu drapé comme le turban des touaregs. Il me présente ensuite ma monture, un placide camélidé à la robe fauve, genoux fléchis, prêt à m’accueillir. Une fois montée en selle, je dois m’accrocher solidement au pommeau, sinon, gare à moi quand la bête se lèvera. Son mouvement de balancier risque de me propulser tête première.

Me voilà haute perchée devant un paysage infini. La caravane avance en silence. Je n’entends que le son amorti par le sable des pas de ma bête. Je laisse mon corps se mouvoir au rythme berçant de l’animal. Mon esprit atteint une douce sérénité. Je suis bien, tout à la contemplation de cet immense espace ponctué de dunes sculptées par le vent.

Je ressens soudain une impression de déjà-vu. Une image lointaine à mes yeux se superpose. C’est le lac Saint-Jean en hiver de mon enfance couvert à l’infini de congères. Même immensité, même silence, même désert… sauf de blanc et de froid.