samedi 30 juin 2012

Naissance des personnages

La maitrise en art ne s’acquiert qu’avec le temps et le travail. « Il ne faut pas brusquer les choses », m’a dit un jour un de mes professeurs à l’UQAC.

J’avais peint des paysages et des natures mortes. Je m’en étais lassée. J’en étais à l’époque où j’explorais l’énigmatique qui prenait la forme de rues désertes, de longs couloirs avec des portes ouvertes vers l’inconnu. J’eus envie d’y amener la vie.

Mettez-y un pied d’abord, dixit ce même professeur.

Judicieux conseil. Mes couloirs s’animèrent lentement. Plantes et chats d’abord. Puis des premières silhouettes de mutants blafards accentuant le mystère. Une femme sans visage apparut un jour à une fenêtre. Je voulus la connaître. Dans le tableau qui suivit elle prit curieusement mes traits. Normal, disent les psychologues, l’artiste se projette impudiquement dans ses œuvres. Flaubert n’a-t-il pas dit : « Madame Bovary, c’est moi » ?

Dans l’enthousiasme, je produisis une vingtaine de tableaux présentant des filles blondes, brunes et rousses, assises ou debout, de face ou de profil. Aux titres évoquant les prénoms des femmes descendantes de mon aïeule, ils firent l’objet d’une exposition solo intitulée Les petites-filles d’Ariane.

Dès que je commençai à travailler avec modèles vivants, les airs de familles disparurent. Ces modèles m’apportèrent différentes facettes de l’humain que je tentai de traduire dans mes tableaux. Les personnages devinrent des personnes. Le pas était franchi vers le portrait. J’avais trouvé ma voie. D’où de nombreuses toiles et de nombreuses expositions.

Le désir de peindre mes proches vint. Je voulais leur laisser un héritage. Au fil du temps, j’ai peint chacun de mes petits-enfants dans leur enfance d’abord et dans leur adolescence par la suite. En regardant maintenant dans le rétroviseur je pense que les tableaux qui en ont résulté sont parmi mes plus réussis. Aurai-je le temps de les saisir dans leur maturité?

Une rencontre avec le sculpteur Gérard Bélanger m’amena enfin vers un nouveau défi : la sculpture. Riche de ses encouragements et conseils, j’ai pu modeler une douzaine de portraits en trois dimensions qui furent immortalisés en bronze à la fonderie d’art d’Inverness.

Voilà en bref comment naquirent et évoluèrent les personnages qui peuplent mon univers.