mercredi 5 septembre 2012

Les arrivants du 15 juillet 1962

En ce début de juillet 2012, un courriel de Louise me fait part de son intention de souligner avec nous le cinquantième anniversaire de l’arrivée d’André en terre québécoise.

Comme vous êtes le premier couple ami des Ségal au pays, j’ai pensé faire une fête toute simple à quatre sur les lieux de leur débarquement.

C’est à l’anse au Foulon que la famille Ségal est descendue de l’Homeric le 15 juillet 1962. Or la gare maritime de l’époque est présentement en déconstruction. Le chantier est clôturé et surveillé par des gardiens. Pas facile d’y faire une fête.

Louise m’amène en voiture explorer les lieux. Nous décidons que le stationnement qui jouxte la clôture devrait faire l’affaire. C’est l’endroit accessible le plus proche de la gare. Je suis sûre que c’est ici qu’André aimerait venir.

Il faudrait lui trouver une pierre, continue-t-elle, car elle sait pertinemment que son époux, historien et sentimental, aimerait conserver un artefact cueilli sur les lieux de son arrivée.

Des pierres provenant de la démolition de la gare jonchent le sol derrière la clôture. Serais-tu bonne pour en prendre une?

Rapidement je descends, allonge le bras sous la palissade et extirpe six pierres de différentes tailles que je remets à Louise en disant qu’il y en a une pour représenter chaque membre de la famille Ségal. Idée approuvée illico par ma complice.

Reste à trouver une base pour déposer le groupe sculptural. La falaise qui borde le boulevard Champlain abonde de plaques de schiste. Demi-tour et stop. Louise y repère une plaque en forme de navire. C’est le réceptacle désiré. Tout excitées nous rentrons à la maison afin de réaliser cette sculpture symbolique des Arrivants du 15 juillet 1962.

Louise expose à Claude son plan de la surprise qu’elle a concoctée pour André :

- Visite avec André à La Souvenance où repose Monique,

- Détour vers la vieille gare de l’anse au Foulon où, par hasard… nous serions là avec le champagne.

- Dîner à quatre au Café du monde, face au fleuve.

Claude trouve que ce lieu se prête difficilement au décorum et a peine à imaginer que nous puissions célébrer devant grues et pelles mécaniques, mais il reconnaît que l’endroit demeure significatif pour l’ancêtre Ségal. Finalement il donne son accord et s’engage même à offrir le champagne.

N’oublie pas ton appareil photo, me rappelle Louise. Il y aura des expressions à saisir. J’ai hâte de voir la tête d’André.

Le jour dit est un dimanche. Claude et moi contournons le chantier désert, garons la voiture à l’endroit convenu, sortons une petite table sur laquelle nous déposons un champagne bien frais et des bouchées à la truite fumée pêchée récemment par nous au nord du Saguenay. Ceci en évocation de la région où allèrent vivre les Ségal.

Une voiture s’amène. Ce sont eux. Au volant, Louise tout sourire. André bouche bée en nous apercevant. Il descend de la voiture et voit la mise en scène baroque. Émotion, silence, embrassade et bavardage. Les yeux pétillent autant que les bulles dans les flutes de verre.

Louise officie la cérémonie qu’elle a imaginée. Elle présente d’abord à André la sculpture symbolique des arrivants, puis nous donne une copie du document officiel daté du 15 juillet 1962 qui inscrit les membres de la famille Ségal comme immigrants au Canada. Enfin, elle offre à André et à nous un superbe cadre doré destiné à conserver le souvenir de cette journée.

Cette journée mémorable se poursuit au Café du monde, face au fleuve qui a amené nos chers immigrants il y a cinquante ans. Au cours du repas, le voyage dans le temps se poursuit par l’évocation de figures disparues dont Monique et Gérard Arguin.

Quelques voiliers défilent devant nous, comme autant d’autres visages sur l’écran de nos souvenirs.

Merci, Louise, de nous avoir associés à la célébration d’un demi-siècle d’une grande amitié.