mardi 8 mai 2012

Marie-Jeanne

La réputation de Marie-Jeanne dépassait les limites du village. Elle mordait dans la vie sans contrainte. Belle et séduisante, on lui connaissait de nombreux amoureux. Son sex-appeal était reconnu par tous. Bref, elle n’était pas une fille ordinaire.

Parfois, elle disparaissait de longs mois pour aller, disait-elle, travailler comme gouvernante chez des gens riches de Westmount. À voix basse cependant le voisinage parlait d’« absences obligées ».

Quand elle revenait, elle nous décrivait la vie fastueuse qu’elle avait vécue, le style seigneurial de ses patrons, le décorum l’obligeant à porter un uniforme noir avec manchettes et collet blancs, de même qu’une coiffe comme celle des infirmières. « Quand je fais les courses on met un chauffeur à ma disposition. » Du grand monde ! Une vie de rêve !

À croire qu’elle en prit goût, puisqu’à quatre reprises Marie-Jeanne eut de pareilles absences. Les commères trouvaient curieux que ses bourgeois la réclament chaque fois qu’ils adoptaient un nouveau bébé.

Je me souviens qu’un jour ma mère cloua le bec à l’une de ces cancanières en citant l’Évangile à propos de Marie-Madeleine :

« Il lui fut beaucoup pardonné parce qu’elle a beaucoup aimé. »

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