vendredi 4 novembre 2011

Les outardes

Il est sept heures. Le jour se lève à peine. Je marche seule sur les plaines dans le silence du matin. La vie s’éveille. Un son m’arrive à l’oreille. Son rauque glissant vers l’aigu. Rythmé. De plus en plus intense. Il me parvient du plus lointain de mon enfance. Je le reconnais. C’est le son des outardes en migration qui cacardent en chœur soutenu.

Je lève la tête. Je les vois qui fendent le ciel majestueusement, cap vers le sud. Telle une reine, une d’elles entraine ses congénères dans une formation en V immuablement gracieuse.

Spectacle mystérieux, toujours nouveau. D’où vient cette mise en scène transmise génétiquement depuis des temps immémoriaux et qui chaque fois m’immobilise et force mon regard? D’en bas, elles semblent petites, mais je sais que leur taille n’a rien d’une hirondelle.

La première fois que j’en ai vues de près, je n’avais que cinq ans. Notre voisin, Monsieur John, avait dans sa cour deux outardes apprivoisées. Blessées par un coup de son fusil de chasse, il les avait soignées et rendues incapables de voler. Ses nouvelles pensionnaires vivaient avec ses oies domestiques et lors des migrations leurs cris servaient d’appelants. C’était efficace, puisque chaque automne, des bernaches faisaient une pause au bord du lac près de chez lui.

Un jour, Monsieur John s’était amené à la maison, tout fier d’offrir à ma mère un produit de sa chasse. C’est ainsi qu’une superbe outarde termina son vol dans une grande rôtissoire au centre de la tablée familiale du dimanche.
Son goût différait de l’oie domestique et chacun y allait de sa comparaison. C’était exquis.

En ce matin d’automne, à ce souvenir gustatif je préfère l’image poétique de la volée déployée dans le ciel.

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